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Par Zéro-chin le 3 Octobre 2015 à 14:35
L'heure du coucher est un moment assez heureux pour les enfants, en général. Pour moi, c’était terrifiant. Pendant que certains enfants se plaignent d’être mis au lit avant la fin de leur film, ou parce qu’ils jouaient à leurs jeux vidéo, la nuit était quelque chose qui me faisait vraiment peur. Et quelque part, c'est toujours le cas, même aujourd’hui.
En tant que scientifique, je ne peux pas prouver que ce que j’ai vécu était objectivement vrai, mais je peux vous assurer que ce que j’ai ressenti, c’était de la pure terreur. Une terreur qui, heureusement, n’a jamais été égalée.
Je vais essayer de retranscrire du mieux que je peux ce que j’ai vécu. Faites-en ce que vous voulez. J’ai juste besoin de sortir ça de mon esprit.
Je ne peux pas me rappeler exactement quand ça a commencé. Mais le début de mon appréhension à m’endormir correspond au moment où j’ai eu ma propre chambre. J’avais 8 ans. Avant ça, je partageais ma chambre avec mon grand frère. De façon assez compréhensible, surtout pour un garçon de 5 ans mon aîné, mon frère avait fini par demander une chambre pour lui tout seul. On m’avait donc transféré dans la chambre à l’arrière de la maison.
Elle était petite, étroite, et étrangement longue. Assez large pour un lit et quelques armoires, mais pas beaucoup plus. Je ne pouvais pas me plaindre parce que, même à mon âge, je savais qu’on n’avait pas une très grande maison et je n'avais pas vraiment de raison d’être déçu. Mes parents étaient attentionnés, je vivais une enfance heureuse. Du moins, pendant la journée.
Il n’y avait qu’une seule fenêtre, verrouillée, dirigée vers notre jardin à l’arrière de la maison. Rien de très extraordinaire. Mais même pendant la journée, la lumière qui se glissait dans ma chambre semblait presque hésitante.
Comme on avait donné un nouveau lit à mon frère, j’avais récupéré les lits superposés qu’on utilisait dans notre ancienne chambre. Même si j’étais triste de dormir seul, j’étais quand même très excité de pouvoir utiliser le lit du haut, ce qui était une super aventure pour moi.
Dès la première nuit, j’ai eu un sentiment de malaise. J’étais allongé dans le lit du haut, observant les figurines et les petites voitures qui trainaient sur le tapis bleu-vert. Pendant que des batailles imaginaires et d’incroyables aventures prenaient place dans mon esprit, j’ai eu subitement l’impression que mes yeux étaient attirés par le lit du dessous, comme si quelque chose bougeait, quelque chose qui ne souhaitait pas être vu.
Le lit était vide, impeccablement fait avec sa couverture bleu nuit bien coincée sous le matelas et recouvrant partiellement deux oreillers blancs. Je n’y pensais plus trop à ce moment, j’étais un enfant, et le son de la télé que mes parents regardaient dans la pièce à côté me berçait dans un chaleureux et doux sentiment de sécurité et de bien-être.
Quand on se réveille à cause d’un mouvement ou d’un bruit, on met quelque temps à se rendre compte de ce qui se passe. La brume du sommeil reste suspendue aux paupières et aux oreilles, même lorsqu’on redevient lucide.
Quelque chose bougeait dans la chambre, il n’y avait aucun doute.
Au début, je n’étais pas vraiment sûr de ce que c’était. Tout était sombre, mais il y avait assez de lumière qui se glissait par la fenêtre pour éclairer la chambre. Deux pensées sont alors apparues dans mon esprit : la première, c’était que la maison était plongée dans le noir et le silence, ce qui voulait dire que mes parents étaient allés se coucher. La deuxième, c’était le bruit, ce bruit qui m’avait réveillé.
Pendant que le brouillard du sommeil quittait mon cerveau engourdi, je commençais à reconnaître cette sonorité qui m’était familière. Parfois ce sont les sons les plus simples qui sont les plus troublants : le vent froid qui souffle dans les branches d’un arbre, les bruits de pas d’un voisin qui semblent un peu trop proches, ou, dans ce cas, le simple bruit d’un drap qui se froisse dans la nuit.
On y était, c’était ça. Le bruit de quelqu’un qui tentait de s’installer confortablement dans le lit du bas. Je restais allongé, immobile, en espérant que le son ne provenait que de mon imagination, ou peut-être du chat qui avait trouvé un nouvel endroit pour dormir. Puis j’ai remarqué la porte, fermée, comme lorsque je m'étais endormi. Je me suis dit que ma mère était venue me border, laissant rentrer l’animal à ce moment-là.
Oui, ça devait être ça. J'ai retourné mon visage contre le mur, fermant les yeux, en espérant que j’allais me rendormir. Au moment où j’ai bougé, le bruit en-dessous de moi a cessé. J’ai d’abord pensé que j’avais dérangé mon chat, mais je me suis vite rendu compte que mon « visiteur » était beaucoup moins banal que mon animal de compagnie, et beaucoup plus sinistre.
Comme s’il avait été alerté et dérangé par ma présence, le dormeur du lit du bas a commencé à se retourner violemment dans le lit, comme un enfant en colère. J’entendais les draps qui se froissaient et qui se retournaient avec une férocité croissante. C’est à ce moment que la peur s’est emparée de moi. Pas comme le malaise que j’avais ressenti plus tôt, non, c’était une terreur puissante. Je sentais mon sang battre dans mes tempes et mes yeux paniqués scrutaient l’obscurité impénétrable de ma chambre.
J’ai hurlé.
Comme l'auraient fait - j'imagine - la plupart des enfants, j’ai appelé ma mère. J’ai entendu du bruit à l’autre bout de la maison et j’ai émis un soupir de soulagement en espérant qu’elle allait me sauver rapidement. C’est à ce moment-là que les lits superposés se sont mis à vibrer comme s’il y avait un tremblement de terre, tapant contre le mur. Je pouvais entendre les draps se tordre. Je ne voulais pas sauter de mon lit, j’avais trop peur que la chose du lit du dessous m’attrape pour m’attirer dans les ténèbres. Alors je suis resté là, à attendre ce qui m'a semblé être une éternité, me réfugiant sous mes draps, comme s’ils pouvaient me protéger du danger. La porte a enfin fini par s’ouvrir. Et la lumière du couloir a dévoilé le lit du dessous, vide et les draps en ordre.
J’ai pleuré et ma mère m’a consolé. Des larmes de terreur suivies d’un immense soulagement. Mais malgré cela, je ne lui ai pas dit ce qui m’avait fait crier. Je ne peux pas vraiment l’expliquer, mais j’avais l’impression que cette chose reviendrait si je me mettais à en parler. Je ne sais pas si c’était vrai, mais je sentais cette menace invisible m’épier et m’écouter dans l’ombre.
Ma mère s’est allongée dans le lit vide, en me promettant qu’elle dormirait là. Mon inquiétude avait diminué et j’ai réussi à m’endormir. Mais la nuit a été longue, et je n’ai pas arrêté de sursauter à chaque bruit de drap.
Je me souviens que le lendemain je voulais aller partout, être partout, sauf dans cette chambre étouffante. C’était un samedi et je jouais dehors, heureux, avec mes amis. Même si la maison n’était pas grande, on avait la chance d’avoir un jardin assez vaste avec une belle pelouse à l’arrière. On y jouait souvent, et lorsqu’ils n’étaient pas très bien coupés, on se cachait dans les buissons, ou on montait dans le grand sycomore qui surplombait le jardin. On pouvait facilement s’imaginer plein d’aventures dans des contrées exotiques.
On s’amusait beaucoup, mais je ne pouvais pas m’empêcher de regarder cette petite fenêtre qui donnait sur ma chambre. Elle était ordinaire, simple et totalement inoffensive. Mais pour moi, c’était une frontière vers un monde effrayant, étrange et froid. Dehors le gazon vert du jardin et les visages souriants de mes amis ne pouvaient m’ôter le sentiment de malaise que je ressentais au fond de mon ventre, le sentiment que quelque chose, dans cette pièce, me regardait jouer, attendait la nuit, que je me retrouve enfin seul avec elle. Une créature emplie de haine.
Ça peut vous paraître étrange, mais quand mes parents m’ont ordonné d’aller dormir dans ma chambre, je n’ai rien dit. Je n’ai pas protesté, je n’ai même pas essayé d’inventer une excuse pour ne pas dormir là-bas. Je suis juste allé dans ma chambre, solennellement. J’ai grimpé les quelques marches jusqu’au lit du haut, et j’ai attendu.
Si ça m’était arrivé aujourd’hui, j’aurais parlé à tout le monde de mon expérience, mais à cet âge je trouvais juste ça bête de raconter quelque chose pour laquelle je n’avais aucune preuve. On ne m’aurait pas cru, ça c’était la raison principale, mais j’avais aussi et surtout l’impression que la chose serait en colère si je parlais d’elle.
C’est marrant de voir à quel point certains mots peuvent disparaitre de votre esprit, aussi évidents et flagrants qu’ils sont. Un mot m’est revenu cette nuit-là, alors que j’étais allongé, seul. J’ai senti un changement d’atmosphère, comme si l’air avait été remplacé par quelque chose de pourri.
Au moment où j’ai entendu les premiers bruits de torsion des draps, mon cœur s’est mis à tambouriner dans ma poitrine : il y avait de nouveau quelqu’un dans le lit du dessous. Et puis un mot qui avait disparu de mon cerveau, que ma conscience avait banni, s’est libéré, a passé les filtres mis en place dans ma tête, s’est battu pour réapparaitre dans mon esprit et est enfin revenu à la surface.
« Fantôme. »
Au moment où j’ai formulé ce mot dans mes pensées, mon visiteur importun a cessé de bouger. Les draps ne faisaient plus de bruit et ne bougeaient plus, mais quelque chose d’encore plus horrible a commencé. Une lente et grinçante respiration s’échappait du lit du dessous. Je pouvais imaginer sa poitrine monter et descendre, accompagnant les sifflements aigus de son souffle. Je tremblais, priant par-dessus tout qu’il me laisserait tranquille après ça.
La maison était totalement figée, comme la veille, comme plongée dans les ténèbres et un seul son brisait le silence de ma chambre : la respiration vicieuse de mon invisible compagnon de chambrée. J’étais au fond de mon lit, terrifié, je voulais juste qu’il me laisse tranquille.
Qu’est-ce qu’il me voulait ?
Je me suis alors rendu compte de quelque chose : quand il se jetait dans le lit en grognant et se tapant partout - c’était violent, pulsionnel, presque animal. Ce moment, en revanche, était calculé, intentionnel : il avait une idée derrière la tête. Puis cette chose qui était là, allongée dans le noir, cette chose qui effrayait volontairement le jeune garçon que j’étais, s’est assise calmement. Sa respiration sifflante était devenue de plus en plus forte. Il n’y avait plus que quelques planches de bois et un matelas qui me séparaient de son souffle juste en-dessous de moi.
J’étais allongé, les yeux remplis de larmes. Une peur que peu de mots peuvent réellement décrire. Je ne pensais pas qu’il était possible d’être encore plus effrayé que ça, mais j’avais tellement tort. J’imaginais cette chose, assise juste en-dessous de moi, dans le noir, espérant que je bouge. Puis l’imagination a tourné à la terreur, lorsqu’il a commencé à toucher les lattes de mon lit. Il semblait les caresser soigneusement, laissant courir ce que j’imaginais être ses doigts sur la surface du bois.
Puis, avec une force inouïe, il les a enfoncés rageusement dans le matelas. J’ai laissé s'échapper un cri. Il a alors recommencé à bouger le lit violemment, comme la veille, le faisant trembler contre le mur. Des flocons de peinture tombaient sur ma couverture à cause des chocs répétés du cadre du lit contre le mur.
Puis de nouveau, la lumière s’est allumée, et ma mère a pris soin de moi, comme elle le faisait toujours, avec un câlin et des mots doux pour calmer ma crise. Elle m’a évidemment demandé ce qu’il s’était passé. Je ne pouvais pas expliquer, je n’osais pas raconter ce que je venais de vivre. Alors j’ai répété ce mot, encore et encore.
Cauchemar.
Et ça a continué pendant des semaines, si ce n’est des mois. Nuit après nuit, je me réveillais au son des draps. À chaque fois que je criais, la chose faisait vibrer le lit, le balançait violemment, jusqu’à l’arrivée de ma mère qui passait le reste de la nuit avec moi, dans le lit du dessous, ignorant quelle force sinistre torturait son fils. Pendant un moment, j’ai fait semblant d’être malade (ou d’autres excuses bidons dans le même style) pour pouvoir dormir avec mes parents, mais j’étais bloqué dans la chambre maudite beaucoup plus souvent que je l’aurais voulu. Cette pièce où la lumière ne semblait pas « normale », coincé avec cette chose.
Au bout d’un moment, j’ai compris qu’il ne pouvait pas me faire de mal lorsque ma mère était là. C’était probablement pareil pour mon père, mais lui, c’était impossible de le réveiller. Et puis, avec le temps, j’ai commencé à m’habituer à cette présence.
Ne prenez pas ça pour de l’amitié ! Je haïssais cette chose. Encore aujourd’hui, en y repensant et en commençant à comprendre ces sentiments (si on peut appeler ça comme ça) contradictoires pour moi : d’une part une indicible haine et de l’autre une certaine envie, un désir ; elle me fait toujours terriblement peur.
Mes pires craintes se sont réalisées pendant l’hiver. Les journées devenaient de plus en plus courtes et les nuits de plus en plus longues. Et puis, on a eu des problèmes familiaux. Ma grand-mère était malade et ça allait encore plus mal depuis la mort de mon grand-père. C’était une femme incroyable et vraiment gentille. Ma mère tenait à ce qu’elle reste le plus longtemps possible chez elle, mais l'Alzheimer est une maladie cruelle, supprimant petit à petitde sa mémoire les personnes qu’elle avait connues et aimées. Rapidement, elle n’a plus été capable de nous reconnaitre et il était évident qu’il fallait qu’elle aille rapidement vivre dans une maison de retraite médicalisée.
Avant qu’elle ne puisse emménager là-bas, elle a eu quelques nuits difficiles, seule dans sa maison. Alors ma mère a décidé de rester avec elle. J’aimais beaucoup ma grand-mère, et j’ai été très affecté par sa maladie, mais je me sens encore coupable d’avoir d’abord pensé qu’à cause d’elle je devrais affronter mon visiteur seul. La présence de ma mère étant mon seul bouclier contre cette chose et la terreur dans laquelle elle pouvait me faire sombrer.
À la fin des cours, j’ai couru jusqu’à chez moi et j’ai retiré les draps, le matelas, et les oreillers du lit du bas. J’ai enlevé les lattes et je les ai remplacées par un vieux bureau, une commode et quelques chaises qu’on avait gardées dans un vieux placard. J’ai dit à mon père que je voulais faire un vrai bureau comme les grands, ce qu’il a trouvé adorable. Mais je ne pouvais pas laisser cette chose dormir avec moi une nuit de plus.
À la tombée de la nuit, je me suis allongé dans mon lit en haut, sachant que ma mère ne serait pas là pour venir me sauver. Je ne savais pas quoi faire, alors avant d’aller me coucher je suis allé fouiller dans sa boîte à bijoux et j’ai récupéré un vieux crucifix. Ma famille n’est pas très religieuse, mais moi, à cet âge, je croyais encore en Dieu et j’espérais, en quelque sorte, que cet objet me protégerait.
Angoissé et anxieux, je serrais le crucifix de toutes mes forces sous mon oreiller. J’ai fini par m’endormir. Je souhaitais tellement m’endormir tranquillement pour me réveiller le lendemain matin, après une bonne nuit de sommeil, mais ce qui s’est passé cette nuit-là restera gravé dans ma mémoire comme la nuit la plus horrible de ma vie.
Je me suis réveillé lentement. La chambre était dans le noir. Alors que ma vision s’habituait, j’examinais l’état de ma chambre. La fenêtre, les murs, quelques jouets sur mon étagère et... Encore aujourd’hui, je frissonne en y repensant. Il n’y avait aucun bruit. Aucun son de drap que l’on tord. Aucun mouvement. La chambre était totalement figée dans la nuit. Figée mais pas vide. La chose, cette créature sifflante et remplie de haine qui m’avait terrorisé nuit après nuit, n’était pas dans le lit du dessous. Elle était dans mon lit !
J’ai ouvert la bouche pour crier, mais rien n’est sorti. La terreur m’avait rendu complètement aphone. J’étais allongé, sans vie. Si je ne pouvais pas crier, je ne devais pas lui laisser comprendre que j’étais réveillé. Je ne l’avais pas encore vu, je pouvais le sentir. Il était sous ma couverture. Je voyais la délimitation de son... Corps, sous les draps. Il écrasait ma poitrine à moitié, mais je n’arrivais pas à le regarder. Je n’oublierai jamais cette image. Quand je dis que des heures sont passées, je n’exagère pas. J’étais allongé, là, sans bouger. Un petit garçon terrorisé.
Si on avait été en été, ça aurait fait un moment que la lumière du jour aurait pointé le bout de son nez. Mais là, au milieu de l’hiver, je savais que je devais attendre des heures avant le lever du soleil.
J’étais un garçon timide par nature, mais j’étais arrivé à un point où je ne pouvais plus attendre. Je ne pouvais pas survivre plus longtemps dans ce lit, collé à cette chose !
La peur peut parfois vous porter, vous transformer en héros. Je devais sortir de ce lit. Puis, je me suis rappelé : le crucifix ! Ma main était encore sous l’oreiller, mais elle était vide ! J’ai essayé de tourner le poignet, le plus lentement et silencieusement possible, mais impossible de le trouver. Soit je l’avais fait tomber du lit, soit... Je ne pouvais même pas imaginer qu’il me l’ait pris.
Sans le crucifix, j’avais perdu tout espoir. Même à cet âge on comprend le concept de la mort, et je savais que j’allais mourir dans ce lit si je restais passif, allongé sans rien faire. Je devais partir de la pièce. Mais comment ? Est-ce que je devais brusquement sauter hors du lit en priant pour arriver jusqu’à la porte ? Et s’il était plus rapide que moi ? Ou devais-je lentement me glisser de sous le drap en espérant ne pas déranger mon ignoble copain de lit ?
Réalisant qu’il n’avait pas remué, même quand j’avais bougé pour trouver le crucifix, j’ai commencé à avoir des pensées étranges. Et s’il dormait ? Il n’avait pas « respiré » depuis mon réveil. Peut-être qu’il se reposait en pensant m’avoir. Que j’étais enfin sous son emprise. Ou peut-être qu’il jouait avec moi. Après tout ce qu’il m’avait fait endurer pendant ces nuits, il m’avait avec lui dans le lit, sans ma mère pour me protéger. Peut-être qu’il savourait ce moment, qu’il savourait sa victoire, comme un animal sauvage qui joue avec sa proie.
J’essayais de respirer le plus doucement que je pouvais, et de rassembler le peu de courage que j’avais. Puis, lentement, avec ma main libre j'ai soulevé le drap au-dessus de moi, mais j'ai frôlé quelque chose. Quelque chose de froid et de mou, quelque chose qui ressemblait à une main décharnée. Je retenais ma respiration, terrorisé. Maintenant, il devait savoir que j’étais réveillé.
Rien.
Il ne bougeait pas, il semblait... Mort. Après un petit moment, j’ai déplacé ma main soigneusement le long des draps et j’ai senti un tout petit avant-bras, très mince, qui se tenait à la couverture. Par curiosité, j’ai remonté ma main le long de ce membre pour toucher un biceps immense. Le bras était tendu en travers de mon torse, et sa main était sur mon épaule gauche, comme s’il m’avait pris dans ses bras en dormant. J’ai compris que je devais bouger ces membres cadavériques pour m’en sortir.
Pour je ne sais quelle raison, la sensation de ce bras déchiré sur mon épaule m’a fait perdre le fil de mes pensées. La peur avait de nouveau pris le dessus, alors que je décrochais ce membre de mon torse, dégoûté en touchant cette peau poisseuse. Je ne voulais pas toucher son visage, même si, encore aujourd’hui, je me demande de quoi il avait l’air.
Mon dieu, ça avait bougé. C’était presque imperceptible, mais la force de son étreinte contre mon épaule avait changé. Je n’ai versé aucune larme, mais mon Dieu qu’est-ce que j’avais envie de pleurer.
Tandis que je décrochais son bras et sa main de moi, ma jambe droite a frôlé le mur frais contre lequel le lit était collé. Tout ceci se passait dans ma chambre, c'était inconcevable. Et c'est là que j'ai compris que cette chose répugnante qui prenait un malin plaisir à violer la chambre d'un petit garçon n'était pas totalement sur moi. Elle était à moitié collée au mur, comme une araignée à son fil.
Soudain, sa prise est passée d'une faible contraction à une très forte compression. Il s'accrochait à mes vêtements comme s'il avait senti que j'essayais de partir, et que l'opportunité de m'attraper ne reviendrait plus. Ses membres étaient minces, mais la chose était forte. J'ai compris que le parasite essayait de m'attirer vers le mur ! Je me battais pour ma vie. J'ai crié, la voix m'était revenue, mais personne n'est arrivé pour me sauver.
J'ai alors compris pourquoi la chose s'était réveillée maintenant : le soleil allait se lever. Depuis ma fenêtre, cette fenêtre que je détestais, qui représentait toute la peur que me procurait cette chambre, j'ai vu les premiers rayons de lumière. Il hurlait, sifflait, crachait. Je ne me souviens de rien visuellement, juste de son souffle glacé contre mon cou. Le soleil se levait dans la petite chambre suffocante qui se retrouvait peu à peu baignée dans la lumière. Je me suis évanoui alors que les doigts décharnés et froids de cette chose se pressaient contre mon cou.
Lorsque j'ai rouvert les yeux, mon père me proposait d'aller prendre le petit déjeuner. J'avais survécu à la pire nuit de ma vie, l'expérience la plus horrible que j'ai jamais vécue.
Le lendemain, j'ai déplacé le lit loin du mur pour empêcher ce monstre de continuer à venir la nuit. Les semaines sont passées sans aucun incident, à part une nuit glacée où je me suis réveillé : là où mon lit se trouvait précédemment, j'entendais un bruit de respiration rauque qui venait de derrière le mur, puis des vibrations violentes. Tout ça a disparu au bout d'un moment.
Je n'ai parlé de cette histoire à personne jusqu'à aujourd'hui. Je continue de me réveiller en sursaut au son des draps qui se froissent dans la nuit, ou au bruit d'une respiration un peu forte à cause d'un rhume, et je ne dormirai plus jamais avec mon lit contre le mur. Vous pouvez appeler ça de la superstition si vous voulez, et puis comme je l'ai dit je ne peux pas réfuter des théories comme la paralysie du sommeil ou des hallucinations, ou même une très grande imagination.
La seule chose que je peux dire, c'est que l'année d'après, j'ai déménagé ma chambre dans une pièce plus grande à l'autre bout de la maison, et mes parents ont pris ma chambre bizarrement étroite et longue. Ils ont dit qu'ils n'avaient pas besoin d'une grande chambre, juste de quoi mettre leur lit et quelques affaires.
Ils ont tenu 10 jours. Nous avons déménagé le 11ème.BONNE NUIT...
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Par Zéro-chin le 3 Décembre 2015 à 23:11
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